Publié : 6 juin 2019 à 16h46 par La rédaction
Noa Pothoven ,17 ans,a décidé d’arrêter de s'alimenter ,elle souffrait de dépression après avoir été victime de viols durant son enfance
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L'adolescente néerlandaise Noa Pothoven, qui souffrait de dépression après avoir été victime de viols durant son enfance, est morte après avoir cessé de s'alimenter et de boire mais n'a pas été euthanasiée, a déclaré une clinique aux Pays-Bas, contredisant de nombreux médias internationaux.
Noa Pothoven, 17 ans, auteure l'an dernier d'un livre sur sa longue bataille contre l'anorexie, la dépression sévère et un syndrome de stress post-traumatique, est décédée dimanche après avoir indiqué quelques jours plus tôt sur son compte Instagram avoir "perdu l'envie de vivre". Certains médias néerlandais ont affirmé que Noa avait contacté la clinique Levenseindekliniek de La Haye, spécialisée dans l'euthanasie, pour solliciter un suicide assisté, mais s'était vu opposer un refus. Des médias internationaux ont alors rapporté mardi et mercredi que la jeune fille avait été euthanasiée.
"Pour mettre un terme aux fausses informations (dans les médias internationaux en particulier) sur sa mort, nous vous renvoyons à la déclaration faite par les amis de Noa cet après-midi: Noa Pothoven n'a pas été euthanasiée", a déclaré l'établissement dans un communiqué.
"Pour mettre fin à ses souffrances, elle a cessé de manger et de boire", a poursuivi l'établissement.
Noa Pothoven est morte le 2 juin dernier et sans euthanasie.
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Depuis le début de la semaine, des médias internationaux - et français - ont annoncé l'euthanasie de la jeune femme de 17 ans. Sauf que celle-ci n'a jamais eu lieu.
La nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre. Noa Pothoven, 17 ans, victime de plusieurs viols dans son enfance, aurait été euthanasiée à sa demande ces derniers jours aux Pays-Bas, où elle vivait et où la pratique est légale.
La presse internationale, d'Euronews (dans sa version anglophone) aux américains du Daily Beast et du New York Post, des britanniques de The Independant, de Metro, de The Sun, du Daily Mailaux australiens de News.com.au en passant par l'ibérique El Tiempo s'en sont dans un premier temps fait le relais [et ont modifié leurs articles depuis]. En France, Paris Match, Closer, ou encore AJ+ ont également choisi de publier des articles consacrés à cette euthanasie supposément hors-norme.
Problème : ce n'est pas ce qu'il s'est produit. Alors que l'information se diffuse sans retenue, il faut attendre la réaction d'une journaliste de la déclinaison européenne du site Politico, Naomi O' Leary, pour rectifier les faits. "Une victime de viols âgée de 17 ans n'a PAS été euthanasiée aux Pays-Bas, écrit-elle le 5 juin sur Twitter, soit trois jours après la mort de l'adolescente. Ça m'a pris 10 minutes pour vérifier l'article original. Noa Pothoven a demandé une euthanasie qui lui a été refusée."
De manière concomitante, le 5 juin, la clinique néerlandaise Levenseindekliniek qui gère les euthanasies - légales aux Pays-Bas -, a également affirmé que de nombreux médias s'étaient laissés aller à publier des informations erronées. "Nous vous envoyons à la déclaration faite cet après-midi par les amis de Noa : Noa Pothoven n'est pas morte d'euthanasie. Pour arrêter ses souffrances, elle a cessé de manger et de boire. "
Aucun média néerlandais n'a parlé d'euthanasie
Malheureusement, comme le note la journaliste américaine, le mal est fait : "Cette fausse information s'est déjà propagée d'Australie aux États-Unis jusqu'en Inde. Son nom est dans les sujets les plus lus jusqu'en Italie. [...] Noa Pothoven était gravement atteinte d'anorexie depuis longtemps, détaille-t-elle. Sans en parler à ses parents, elle a demandé une euthanasie, qui lui a été refusée. Elle a fait plusieurs tentatives de suicide ces derniers mois. En désespoir de cause, sa famille a demandé une thérapie à base d'électrochocs, qui lui a également été refusée en raison de son jeune âge. Pothoven a insisté, expliquant qu'elle ne voulait plus de traitement et qu'elle voulait rentrer chez elle." Finalement Noa Pothoven est morte le 2 juin dernier après avoir refusé de s'alimenter, en accord avec sa famille ainsi que ses médecins.
Comme le note Naomi O'Leary, qui en a par ailleurs fait un article, le plus surprenant, peut-être, est qu'aucun média néerlandais n'a évoqué d'euthanasie. Et surtout pas l'un des premiers à avoir été publié sur le sujet, celui du quotidien Gelderlander, qui suivait la jeune femme depuis 2018 et la sortie d'un livre sur son mal-être, intitulé Gagner ou apprendre (Winnen of leren).
Que s'est-il donc passé ? S'agit-il d'une erreur de traduction ? D'une méconnaissance de ce qu'est réellement l'euthanasie, un mot utilisé pour décrire une mort provoquée sous le contrôle d'un médecin ? Difficile de trouver le premier média à en avoir parlé, tant certains articles ont depuis été largement modifiés. Mais comme tente de l'expliquer Sarah Manavis, de la revue britannique The New Statesman, "parfois, même les plus grands journaux et les plus respectés peuvent mal comprendre. C'est une partie inévitable, quoique problématique, du journalisme".
Les fausses informations touchent plus de lecteurs
Il faut dire aussi que les fausses informations se propagent également bien plus vite et touchent plus de lecteurs que les informations réelles et vérifiées. C'est le résultat saisissant d'une étude publiée en 2018 par trois chercheurs du MIT [Massachusetts Institute of Technology], dans le revue Science : une information fausse a 70 % de plus de chances d'être relayée qu'une vraie. "Alors que la vérité se diffuse en moyenne auprès d'un millier de personnes, les premières cascades de retweets des informations erronées (soit 1% à peine de l'ensemble des retweets que fera une information erronée) sont couramment diffusés auprès de 1000 à 100 000 personnes", détaille l'étude. "La vérité met environ 6 fois plus de temps à toucher un total de 1500 personnes, et environ 20 fois plus de temps à déclencher une cascade d'au moins 10 retweets".
Sexuellement abusée et souffrant d'une sévère dépression, une jeune femme de 17 ans choisi de se faire euthanasier #rediffhttps://t.co/GZfdmO5JYo pic.twitter.com/yhHtxaC8pW
— Closer (@closerfr) 5 juin 2019